Le 17 novembre 2022 a été définitivement voté par le Sénat le Projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. Cette loi introduit un nouvel article L 1237-1-1 au Code du Travail qui instaure une présomption de démission en cas d’abandon de poste. La loi devra être complétée par un décret d’application pour entrer en vigueur. Toutefois, le Conseil constitutionnel a été saisi d'un recours contre cette loi par plus de 60 députés conformément à l’article 61 de la Constitution de 1958.
Le nouvel article est ainsi rédigé :
« Art. L. 1237‑1‑1. – Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai.
« Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes. L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.
« Le délai prévu au premier alinéa ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d’État. Ce décret détermine les modalités d’application du présent article. »
Objectif
Par l’introduction de ce nouvel article, le gouvernement souhaite limiter la pratique de l’abandon de poste. Pratique qui consiste pour le salarié à ne plus se présenter sur son lieu de travail et donc à ne plus remplir son obligation de travailler qui découle de son contrat de travail.
En réaction, soit l’employeur ne verse pas au salarié de rémunération, mais celui-ci reste dans l’effectif de l’entreprise, soit l’employeur licencie le salarié pour abandon de poste. Ce licenciement permet ainsi au salarié de bénéficier des allocations chômage.
Il en résulte une meilleure indemnisation pour le salarié qui abandonne son poste, que pour le salarié démissionnaire ce que souhaite dorénavant empêcher le gouvernement. « Il n'est en effet pas souhaitable qu'un salarié licencié à l'issue d'un abandon de poste dispose d'une situation plus favorable en matière d'assurance chômage qu'un salarié qui démissionne et qui n'est pas indemnisé. La présomption de démission prévue à cet article mettra un terme à cette différence de traitement injustifiée. » (Rapp. Sén. n° 61).
Nouveau régime – Présomption simple de démission
Désormais, une présomption simple de démission est instaurée si le salarié abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste.
En d’autres termes, le salarié qui après mise en demeure ne revient pas travailler et ne justifie pas de son absence est réputé démissionnaire et à ce titre ne pourra bénéficier des allocations chômage.
Le délai fixé par l’employeur pour lui répondre n’est pas précisé.
Le salarié pourra contester la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption dans un délai d’un mois devant le conseil de prud’hommes.
Ce sera alors au salarié d’apporter la preuve qu’il n’est pas démissionnaire.
Critiques
On peut d’abord observer que la présomption de démission posée par le nouvel article L. 1237-1-1 est en contradiction avec la jurisprudence. En effet, selon la Cour de cassation, la démission ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail (Cass. soc. 21 octobre 2020 : n°19-10635).
Par ailleurs, le délai d’un mois prévu pour que les conseils de prud'hommes statuent parait peu probable en raison notamment des échanges entre les parties.
Surtout on peut observer que jusqu’à présent le licenciement pour abandon de poste faisait l’objet d’assez peu de contentieux.
Or, avec l’introduction de ce nouvel article, l’abandon de poste devient une nouvelle source de risque et de contentieux pour l’employeur. A titre d’exemple, le salarié pourra justifier de son abandon de poste au motif que sa situation de travail présente un danger grave et imminent nécessitant mise en œuvre de son droit de retrait (L.4232-1 Code du travail).